Mercato, J-11 : la tisane, les flingués du genou et le silencieux

Hoï Jakenri, mais tu es toujours là ? Il ne reste qu’une dizaine de jours pour révolutionner un effectif à bout de souffle et on n’en peut plus de pisser de la tisane. La politique estivale est fidèle à ce qui se fait depuis trois ans : des discussions qui s’embourbent et n’aboutissent qu’à de nouveaux pourparlers. « Dire c’est faire rire, faire c’est faire taire », qu’on disait. Toi, tu ne dis rien et tu ne nous fais pas du tout marrer.

Jacques-Henri Eyraud

Le recrutement 2019, celui sur lequel nous misions, nous tes ultimes soutiens, celui de la dernière chance, se résume à l’arrivée de deux joueurs de 29 ans, à onze jours de la clôture du mercato. Ils ont l’air vaillants et teigneux à souhait, certes, avec ce côté sudam qu’on aime bien à Marseille. Mais sincèrement, nous attendions autre chose. Et pourquoi ce silence ? Où es-tu donc passé, Henri-Jacques, crois-tu encore au moins à ton projet ?

Car 2019-2020 a mal commencé, contre Reims (0-2) et face à Nantes (0-0). On ne peut pas en vouloir à André Villas-Boas, qui n’a même pas pu compter sur ses deux recrues lors des stages de préparation. 2018-2019 avait été mauvais, et l’effectif s’est encore affaibli, avec les départs de Mario Balotelli, Adil Rami, Lucas Ocampos et Clinton Njie. À une dizaine de jours de la clôture du marché des transferts, la révolution que tu avais toi-même annoncée n’a pas eu lieu. Où sont passées les belles promesses, les envolées lyriques sur la Ligue des Champions et les meilleurs joueurs d’Europe, ou encore sur l’enveloppe d’achat significative ? C’est comme ça que notre histoire va se terminer, JHE ?

Investissements à perte, salaires gigantesques et défaites en série

Comme lors des mercatos précédents, on s’est cru à un sommet sur l’environnement, cet été : des négociations interminables pour aboutir à un pet de mouche. André Villas-Boas n’a pas pu compter sur un effectif au complet, durant la préparation, et encore à la reprise du championnat. Tu l’ignores peut-être, mais ce simple constat réduit les chances d’atteindre les objectifs. Dans un cas similaire, Marcelo Bielsa aurait démissionné dès juin. Il ne t’a certainement pas échappé, Jacques-Henri, qu’André devait (quasiment) composer avec le même groupe que l’année passée. Celui-là même qui a concédé 19 défaites, dont certaines contre Apollon et Andrézieux. Ton travail de dégraissage n’a pas été facilité par les salaires de nababs que tu avais octroyés ces dernières années, mais le changement de cap que tu avais annoncé au printemps n’a pas eu lieu : aucun jeune crack n’a signé (pas même ceux du centre de formation). Et contre Reims, tu as dû avoir l’effet d’une grosse claque, si tu t’imaginais vraiment que l’équipe était en mesure de viser le podium.

Autant être clair, les recrutements que tu as validés ces deux dernières saisons ne pouvaient se justifier que si l’OM disposait du compte en banque d’un ami de Vladimir Poutine ou d’un fortuné émirati. Tu n’étais apparemment pas conscient que le choix de refaire signer Dimitri Payet, pour 30 millions d’euros, correspondait à l’idée d’abandonner la somme. Car, avec son âge, il était évident qu’elle ne serait pas récupérée sur sa revente. Idem sur de nombreuses autres transactions, comme celle de Kostas Mitroglou (15 millions d’euros) ou Kevin Strootman (28 millions d’euros) : à eux trois, cela représente déjà 73 millions d’euros d’investissement. Seul un club très riche pouvait se permettre de payer ces indemnités et de donner ces salaires. On aurait pu te le dire : recruter ces joueurs au prix fort était plus qu’un luxe, au moment où les droits TV anglais explosaient. De surcroit, tu as toujours gardé le flou sur les moyens réels dont tu disposais pour le recrutement : il y avait donc quelques raisons de penser que tu savais ce que tu faisais. Et finalement, c’était pire que ce que l’on imaginait.

La chasse aux espoirs de 29 ans

D’habitude, en début de saison, on appelle à la patience. On veut logiquement laisser le temps à l’entraîneur de mettre en place son système et aux recrues de s’adapter. Mais il n’y a que toi et Andoni pour imaginer que deux gars de 29 ans qui n’ont pas fait une carrière immense vont pouvoir apporter la fraîcheur qui nous manquait déjà l’été passé. On est loin de la razzia attendue sur les talents prometteurs du Havre, du PSG, d’Osasuna, ou d’on ne sait où. Les Rémois ne nous ont rien appris sur nos faiblesses, lors de la 1re journée : on connaissait nos besoins depuis près d’un an. En tout cas suffisamment à l’avance pour anticiper le mercato. Alors comment expliques-tu que la première signature intervienne le 19 juillet, soit plus d’un mois après l’ouverture du marché des transferts, quand Luis Campos savait déjà quasiment le nom des renforts de Lille en novembre ?

Jacques-Henri, les questions se bousculent dans ma tête : était-il bien nécessaire d’aller visiter les bureaux du Barça et du Bayern pour en arriver là ? Était-il intelligent de virer Jean-Philippe Durand et son réseau pour obtenir ce résultat ? Lui était là en 1993, et il était au moins capable de faire ce qu’a fait Florian Maurice à Lyon, ces deux dernières années. Moussa Dembélé, Tanguy Ndombele et Ferland Mendy n’étaient pas des inconnus. Malgré un entraîneur limité (et on s’est rendu compte qu’on avait pire) et des joueurs en dilettante, le club de l’horrible Jean-Michel Aulas les a revendus à prix d’or. Comme le LOSC, d’ailleurs, dont le projet nous avait d’abord fait rire. Quand bien même Zubi se réveillerait ces prochains jours, il faudrait hurler à vos oreilles que les recrutements tardifs apportent rarement du bon : arrêtez le panic buy ! N’apprenez-vous donc pas de vos expériences ?

JHE, sais-tu ce que c’est qu’un burnout ?

Tu avais été vexé dès les premières critiques et tu avais répondu, avec sérieux, par le coup de la tisane. Tu te mures désormais dans un silence qui ne sert que tes détracteurs. Bien sûr que tu as des qualités, tu as rempli certains de tes objectifs, et non des moindres, comme l’obtention de la gestion de l’Orange Vélodrome, la pêche aux crabes de la Commanderie et la création de l’OM Campus. Mais tu t’es enlisé d’emblée dans l’idée qu’un club de foot pouvait être dirigé comme une société. Et ils sont tellement nombreux à avoir commis cette erreur, à être arrivé en s’imaginant plus intelligents que leurs prédécesseurs. Avec un peu d’expérience, tu aurais pu anticiper cette mauvaise orientation. Là où tu ne pouvais rien, sinon bien t’entourer, c’est sur ton manque de connaissance du football : il est la cause de bourdes monumentales ! Un peu comme Vincent Labrune, avant toi. VLB avait saboté son mandat en se méprenant sur l’impact des fins de contrat sur les finances du club. Mais, au contraire de toi, il avait eu l’intelligence de s’appuyer sur des réseaux de recrutement performants.

Non Henri-Jacques, il ne suffit pas de savoir que le contexte marseillais nécessite des joueurs à la Mozer et de s’entêter à vouloir maintenir un entraîneur dans la tempête pour ramener un club au sommet. Tu as pris des risques et tu t’es planté. Tu t’es obstiné à conserver Rudi Garcia, car tu étais sensible à ses arguments. Comme le dit si bien le boss (le vrai), tu aurais dû voir venir le mur et agir pour l’éviter. Tu es coupable, mais ce n’est pas ta seule erreur. Tu as autorisé les recrutements de Gregory Sertic, Aymen Abdennour, Jordan Amavi, Valère Germain, Kostas Mitroglou, Nemanja Radonjic et Patrice Evra. Tes bilans « mercato » et « sportif » sont moqués et indéfendables. L’OM et Frank McCourt paient très cher ton apprentissage.

Et si tu cédais ta place, hè ?

Tu as été très bavard en début de projet, avec un discours mythique devant les joueurs, la coupe d’Europe à la main, et tu ne dis plus rien (d’intéressant, en tout cas), maintenant que ça va mal. On ne sait même pas si tu as conscience des erreurs des dernières saisons. Bien sûr, c’est facile de critiquer, seuls ceux qui ne font rien ne se plantent pas. Mais te remets-tu en question ? La politique de l’autruche ne suffira pas à escamoter ces responsabilités. Cette croille, dont tu as parfois fait preuve, te revient un peu comme un boomerang dans la figure. Tu t’es attiré les foudres de nombreux supporters, au grand plaisir de certains chefs de groupe qui t’avaient dans le collimateur. Mais le pire, c’est que tu ne défends plus le club face aux critiques. Tu oublies que ton devoir est aussi de rassurer ceux qui croient encore en toi et de protéger l’institution.

Autant être sincère, Jacques-Henri, personne ne t’en voudrait de te consacrer à d’autres missions que celles de président. Si tu partais, nous conseillerions à Frank McCourt de miser sur quelqu’un qui a de l’expérience dans ce milieu. Sportivement, l’OM est en péril. En Serie A, le Milan AC a également été sanctionné par l’UEFA pour le fair-play financier, mais il a poursuivi ses investissements et affiche une balance déficitaire de 71 millions d’euros, cet été. Les Lombards considèrent visiblement qu’un procès devant le TAS est moins risqué qu’un recrutement plombant les chances d’intégrer le top 4 italien. Avez-vous adopté la stratégie inverse, avec Frankie, ou le fair-play financier est arrivé à point nommé pour justifier la cessation des dépenses ?

Jacques-Henri, on commence à croire que tu as été assez naïf pour donner à Rudi Garcia toutes les cartouches du projet et te faire estamper. A-t-on encore des motifs d’être optimistes ? Que reste-t-il des belles ambitions de l’été 2016 ? Ce serait tellement dommage de reprendre un beau club sortant de vingt années Louis-Dreyfus, et de reproduire les mêmes erreurs. La mission que tu as donnée à André Villas-Boas n’est pas un cadeau : changer des mulets en voiture de course, transformer un vestiaire de joueurs léthargiques et au jeu stéréotypé en équipe compétitive. Sans renforts, et alors que le club est la risée de nombreux observateurs, ça semble assez compliqué. Allez JHE, tu as une dizaine de jours pour réaliser un miracle…

D’accord, pas d’accord ? A vos idées !

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