Arbitrage, supporters félons, Balotelli… Retour sur OM-Lille

L’OM s’est incliné face à Lille, vendredi soir (1-2). Il était à 3 points (virtuels, car il avait un match en retard) de la troisième place, avant le coup d’envoi. Les joueurs ont été confrontés à un arbitrage défavorable (façon 2014-2015 et 2017-2018) et à une ambiance hostile provoquée par quelques cadres de virages. Au point que Mario Balotelli, qui a fait une grande entrée, n’a pas suffi à retourner la situation. C’est inquiétant ?

South Winners lors d'OM-Lille

Un arbitrage digne des pires saisons, malgré la VAR

Difficile de parler de cette défaite sans commenter la prestation assez hallucinante réalisée par Amaury Delerue. Le natif de Luzy a hérité d’un 3/10 dans L’Equipe et c’est déjà un exploit en soi, dans un match de l’OM. Concrètement, l’homme en noir a pris de nombreuses décisions défavorables à l’équipe marseillaise, en bombant un peu le torse, comme s’il s’était mis en tête de défier la ville entière. Il n’a eu recours à la VAR que dans les situations qui désavantageaient les Olympiens. Il n’a pas été chahuté par les chefs des supporters, car ces derniers avaient d’autres préoccupations. Ni par le quotidien, lequel s’insurge a contrario contre une décision qui a pénalisé le PSG, sur quasiment une page. Étant donné la triste série arbitrale, Jacques-Henri Eyraud serait bien inspiré de sortir de sa grotte et de taper du poing sur la table.

Des renégats en virages ?

Oui, un abruti de Ganay a lancé le pétard qui a entraîné l’interruption du match et devrait conduire à de grosses sanctions. Mais le plus grave est certainement que les patrons des Winners, du Commando Ultras, de la Vieille Garde, des Dodger’s et des MTP ont décrété une grève et mis une pression terrible sur les joueurs, malgré l’importance de la rencontre. Rachid Zeroual et Christian Cataldo se sont justifiés et ont assuré qu’ils avaient fait ça pour le bien du club. Ils ont ensuite tenté de se remémorer Les Pensées de Marc Aurèle : le premier a assimilé sans sourciller la démocratie à un vote à mains levées, tandis que le second a déclaré avec une touche de désinvolture que la critique était « aisée », mais que l’art était « difficile ». Ils savent ce qu’ils disent, puisque c’est grâce à eux si le club existe. Car l’OM c’est eux. (Enfin il paraît.)

Le chef des Winners, qui avait avoué, il y a quelques années, au micro de France 3, avoir menacé Didier Deschamps de lui « décapsuler la tête », a tenté de rejoindre Frank McCourt dans sa loge, vendredi. Il a aussi confié son analyse de la situation (propos relayés par Le Phocéen) : « Y’a des supporters qui mettent leur salaire dans le club et le remerciement c’est qu’après avoir vu un spectacle médiocre tu te prends des doigts ou des injures… Je peux comprendre que certains supporters ne veulent pas pardonner. » Interrogé par le même média, Cataldo a également développé ses arguments : « On n’a pas de bons joueurs. On peut les encourager jusqu’à demain ils ne gagneront pas les matchs… Amavi, il sait jouer au ballon ? L’équipe n’est pas bonne. Mitroglou, parce qu’on va l’encourager, il va marquer des buts ? »

Le risque d’écoeurer McCourt

On a donc bien compris que les Napoléons des virages (et il est hors de question de faire l’amalgame avec l’ensemble de leurs membres) voulaient vraiment faire entendre leur colère. Ce n’est pas seulement que c’était mieux avant que McCourt arrive, lorsque l’enceinte, clairsemée, permettait d’écouter les mix de DJ Paolo (De Ceglie) ou les petits rires narquois du président occupé à jouer au billard pendant la déconvenue subie par son équipe. C’est aussi parce qu’ils sont inquiets de leur propre situation : « Nous n’avons aucun problème avec la direction, mais quand on sent que le supportérisme à Marseille est menacé parce qu’on voit des décisions qui visent les autres groupes de supporters, on ne peut être que solidaire », a encore expliqué Zeroual, un plus sérieusement.

Certaines revendications sont certainement entendables. Mais là où le bât blesse, c’est que les deux-trois derniers matchs ont démontré que le groupe n’avait pas lâché Rudi Garcia (ce qui n’était pas paru évident contre Andrézieux), malgré ses tâtonnements. Avec l’apport de Mario Balotelli, il y avait moyen de taper le LOSC et de revenir très près de la troisième place. L’OM a finalement perdu un face-à-face décisif et est désormais relégué à 9 points du podium (6 points, si l’on compte le match en retard). La saison charnière du projet est très mal engagée. Et il ne manquerait plus que les gesticulations de ces quelques cinquantenaires influents et très entourés n’aient convaincu l’Américain de ranger le portefeuille. Il fallait vivre ce 25 janvier pour relativiser certaines erreurs des derniers mois, et prendre la mesure d’autres dangers encourus par le club.

Un coup d’oeil en arrière un brin paranoïaque nous ferait dire que ces grosses colères des groupes de supporters surviennent quasi systématiquement dans le premier déclin de résultats qui suit les périodes d’euphorie (1999, 2004, 2012 et maintenant). Juste après que l’OM ait refait parler de lui à l’international et paru prêt à rattraper un tout petit peu du retard pris sur les grands clubs européens, depuis 1994. La thèse donnerait davantage de sens au message « l’OM, c’est pas Disney » et sous-entendrait que certains acteurs de la sphère olympienne sont effrayés par la perspective que le club redevienne grand, comme les Barça ou Bayern visités et pris en exemple par les dirigeants, avec les changements que cela impliquerait à tous les niveaux. Cette hypothèse n’est évidemment rien que de la fiction.

Espérons en tout cas que McCourt ne se laissera pas écoeurer par quelques protagonistes. Car avec ce spectacle honteux, on n’est pas près de retrouver un investisseur prêt à mettre 250 millions d’euros dans les comptes du club.

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